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Et si la télévision gratuite était morte ?

Bruxelles lorgne les fréquences du spectre hertzien réservées aux télévisions. La France, et son modèle gratuit, est bien seule…

La vieille antenne râteau qui offre la télévision « gratuitement » (hormis la redevance) à des millions de Français a-t-elle encore un avenir ? On peut en douter au vu de ce que prépare l’Europe, plus encline à écouter les télécoms.

Très récemment, la France, comme tous les États de l’Union, a été consultée par Bruxelles sur l’avenir du spectre hertzien. Et notamment sur l’attribution aux télécoms de la bande 700 mégahertz (MHz). La France s’est opposée à livrer aux compagnies de télécommunication cette nouvelle tranche du spectre jusqu’ici réservée aux télévisions. Pourquoi ? Parce qu’elle a fait le choix historique de la télévision gratuite via le réseau hertzien. Ce n’est pas le cas des Allemands, par exemple. Eux ont privilégié la télévision par le câble.

La France isolée en Europe

La France est assez isolée en Europe. Bruxelles, dans sa volonté de poser des normes, ne tient plus compte de notre particularisme. La France a donc été mise en minorité avec trois autres États. Huit États membres se sont dits, quant à eux, favorables aux télécoms et deux se sont abstenus. La consultation se déroulant par correspondance, les États qui n’ont pas répondu sont considérés comme étant implicitement favorables. C’est donc par 21 voix que la Commission de Bruxelles considère qu’elle a reçu mandat d’offrir la bande 700 MHz aux télécoms lors de la prochaine réunion du RSCom (le comité du spectre radioélectrique européen). Une belle victoire du lobbying des télcos !

Les télécoms rêvent, en vérité, de devenir les diffuseurs uniques de la télévision. Les Français seraient ainsi tous obligés de passer par un fournisseur d’accès internet. De facto, la télévision française deviendrait payante. Cela aurait également une incidence majeure sur le modèle de production audiovisuelle français. En effet, si la télévision passe intégralement par Internet, c’est toute la régulation des contenus qui vole en éclats. L’État n’aura plus aucun moyen d’imposer aux chaînes de télévision des obligations de production, des quotas d’oeuvres françaises ou européennes. L’État est en effet propriétaire du domaine public aérien et les chaînes de télévision se voient accorder une sorte de droit de passage gratuit par les ondes, les fameuses fréquences délivrées par le CSA. En contrepartie, les télévisions s’engagent à produire tant d’heures de téléfilms, de documentaires, de dessins animés, etc.

Une véritable guerre des fréquences en coulisse

Cette guerre des fréquences entre les télcos et les télédiffuseurs se déroule loin des regards. Vendredi 8 février, le constructeur chinois Huawei et SFR ont présenté au Conseil supérieur de l’audiovisuel leurs solutions techniques pour transporter des images en qualité HD. Huawei avait à coeur de prouver que sa technologie, dite eMBMS, était valide et valait bien celle des télés. Le CSA avait également invité la partie adverse, à savoir l’ensemble des télédiffuseurs traditionnels, TDF, Towercast (groupe NRJ) et Itas TIM, ainsi que des experts indépendants… Autant dire que la démonstration de Huawei a été fraîchement accueillie. « La technologie de Huawei est cinq fois moins performante en termes de qualité d’image que la norme DVB-T2, qui est l’avenir de la haute définition ! assène-t-on chez les télédiffuseurs. Ce sera aussi la fin du visionnage anonyme de la télévision. »

Mais rien n’arrête l’appétit des télécoms qui disposent déjà de nombreuses fréquences : la bande 900 MHz pour la téléphonie 2G, la bande 1 800 MHz pour la 2,5 G, la bande 2 100 MHz pour la 3G. Et pour la 4G, ils ont obtenu les bandes 2 600 MHz et 800 MHz. Cette dernière a déjà été retirée aux télévisions.

Dans les coulisses, les frottements entre ces deux mondes sont violents. L’appétit vorace des télécoms aura-t-il raison de la vieille antenne ? La France conservera-t-elle sa souveraineté sur le domaine public hertzien ? En tout cas, le téléspectateur citoyen, lui, n’est pas consulté. Le CSA vient de prendre la mesure du danger et a passé une petite annonce pour recruter un spécialiste des fréquences afin d’assurer son lobbying à Bruxelles…

Le Point

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