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Taxe Tobin : la taxe sur les transactions financières risque-t-elle de coûter cher aux Etats en déstabilisant le système financier ?

 

A l’heure où l’Union Européenne vient de recevoir le prix Nobel de la paix, onze de ses membres (dont notamment la France et l’Allemagne) ont décidé d’aller encore plus loin en se déclarant prêts à créer une taxe sur les transactions financières. Selon eux, cette mesure permettrait de lutter contre la spéculation et in fine contre la guerre économico-financière internationale. Malheureusement, les apparences sont souvent trompeuses et l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ainsi, sous des aspects pacifistes et de justice économique, cette mesure constituerait une erreur stratégique particulièrement coûteuse et dangereuse.

Avant tout chose et comme le soulignait d’ailleurs son concepteur, James Tobin, la taxe sur les transactions financières soulève un sérieux problème de faisabilité. Comment peut-on effectivement distinguer parmi l’ensemble des opérations celles qui relèvent de la spéculation pure et celles qui sont utiles à l’économie ? Cela suppose de mettre en place un système de contrôle aussi complexe que coûteux. Et même si l’on franchissait cet obstacle, il faudrait instituer des mécanismes de collecte et de surveillance, qui alourdiraient encore les coûts organisationnels de l’opération.

De plus, imaginer que la spéculation va disparaître grâce à une nouvelle taxe symbolique relève de la gageure.

En effet, la spéculation fait partie de la vie des marchés. Pour la supprimer, il faudrait fermer ces derniers. D’ailleurs, si les onze pays européens les seuls à appliquer cette mesure, ce serait certainement à terme la fin de nombreuses financières et en particulier celle de Paris. Celle-ci étant déjà très loin de ses homologues internationales, le choix du cavalier seul en matière de taxation (et même avec dix autres pays européens) aggraverait le déséquilibre concurrentiel et ruinerait notre crédibilité.

D’ores et déjà, compte tenu de la pression fiscale et réglementaire (notamment en matière de fonds propres) qui pèse sur les activités de marchés, les banques françaises sont en train de réduire ces dernières à la portion congrue. Comme nous l’évoquons depuis bientôt trois ans, la finance est devenue la sidérurgie des années 1980, à savoir un secteur sinistré. Alourdir, même symboliquement, cette pression, lui donnerait le coup de grâce. Cela se traduirait notamment par une augmentation des destructions d’emplois dans ce domaine et par l’alourdissement des conditions de financements des entreprises. Dans ce cadre, une nouvelle réduction de l’investissement, donc de la croissance et de l’emploi se produirait à l’échelle du pays. Au-delà du simple secteur financer, c’est toute l’économie nationale qui pâtirait de cette mesure.

En conclusion, si nous comprenons parfaitement la volonté des gouvernants européens actuels de faire bonne figure, nous estimons que ce serait une grave erreur de prendre une mesure aussi dogmatique et contre-productive que la taxe Tobin. Malheureusement, une certitude se fait jour : alors que la récession est déjà de retour en Europe, dans la zone euro et en France, la taxe sur les transactions financières ne fera qu’aggraver la situation. Et ce, sans lutter efficacement contre la spéculation, dont les principaux acteurs se trouvent d’ailleurs d’ores et déjà en Asie et aux Etats-Unis. Une fois encore, les Européens montrent qu’ils préfèrent les apparences et le marketing plutôt que la croissance et l’efficacité économique. Quel dommage !

Atlantico