Pour la Commission, la France est au bord du gouffre
La France fait partie des maillons faibles de la zone euro et pourrait connaître bientôt les tourments de l’Italie et de l’Espagne si l’on en croit la Commission. Dans soixante-huit rapports publiés hier (soit quelque 1500 pages tout en anglais, devenus la langue unique de l’exécutif européen), dans lesquels elle dresse un bilan de la santé économique des Vingt-sept, elle estime que l’hexagone présente des « déséquilibres sérieux » (tout comme l’Italie et la Slovénie). Certes, l’Espagne et Chypre, tous deux déjà sous le feu des marchés, sont dans une situation plus préoccupante, mais, selon la Commission, la France doit s’attaquer sans tarder à ses problèmes structurels si elle ne veut pas sombrer à son tour dans la crise qui ravage la zone euro depuis deux ans et demi… (Les rapports sont ici. Les plus importants ne sont toujours pas, 24 heures après, disponibles en français)
Bruxelles estime donc que la France doit transférer une partie de la fiscalité qui pèse sur le travail vers la TVA et les taxes sur l’environnement. Ainsi, si les contributions sociales pesant sur les salaires sont les plus élevées d’Europe, la fiscalité sur l’environnement (pollueur-payeur, recyclage, etc.) est la seconde plus basse de l’Union… Sans remettre en cause la protection sociale et le niveau des salaires, il est donc possible d’alléger le coût du travail. La Commission pointe aussi la trop grande « segmentation » du marché du travail : les chances de passer d’un CDD à un CDI sont passées de 45 % au milieu des années 90 à 12,8 % en 2010 contre une moyenne européenne de 26 %. Elle prône donc un assouplissement du marché du travail passant par une unification des contrats et des licenciements plus aisés afin de ne pas décourager l’embauche, notamment celle des jeunes et des plus vieux (la France se situant largement sous la moyenne européenne). Bruxelles pointe aussi les graves lacunes de la formation professionnelle.
Le problème est que la gauche n’entend nullement suivre le chemin recommandé par l’exécutif européen, ce qui risque de déboucher sur un bel affrontement. Ainsi, François Hollande veut supprimer la TVA sociale instaurée par Nicolas Sarkozy et donner un coup de pouce au SMIC, ce qui ne va pas arranger la compétitivité française. De même, le chef de l’État veut rétablir la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans alors que la Commission souligne que l’équilibre du régime des pensions ne sera plus assuré à partir de 2020…
Mais, comme le reconnaît la Commission dans son rapport consacré à l’ensemble de la zone euro, tous les efforts que pourraient faire les États pour remettre sur les rails leur économie pourraient être anéantis par la crise de la dette souveraine : « tant que certaines incertitudes majeures, telles que celles concernant la situation de la Grèce, ne seront pas levées, nous ne parviendrons pas à rétablir la confiance nécessaire à la création d’emplois et aux investissements ». Le seul moyen de sortir de cette nasse ? Un saut fédéral.