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Clandestins : les chiffres bretons explosent

Les nouveaux Sonerien Du?

Rue de Madagascar, port de commerce de Brest. Un nom qui fleure bon les cargos, les containers et l’océan Indien. Mais dans les couloirs du numéro1 de la ruelle, d’autres accents résonnent et s’affichent au mur: russe, albanais et français. Cette bâtisse d’avant-guerre abrite l’organisme Coallia, chargé de la prise en charge des sans-papiers, une arche de Noé pour familles immigrées en perdition. Cet été, durant quinze jours, c’est là, par terre, et sur les trottoirs d’en face, qu’une trentaine d’immigrés venus du Kosovo, d’Albanie, de Serbie, de Tchétchénie, d’Arménie et de Somalie ont dormi, en raison de l’incapacité de l’organisme, prestataire de service de la préfecture, à leur fournir l’hébergement d’urgence dont bénéficient légalement les demandeurs d’asile, le temps du traitement de leur dossier.
Depuis le 1er janvier, 113 groupes familiaux étrangers sont arrivés dans la région de Brest, soit 259 individus. «Ça a complètement explosé», témoigne-t-on, un soupir dans la voix, dans les locaux de Coallia, les employés constatant une augmentation de 50% des effectifs en un an. Aux premières loges de cette immigration au nouveau visage, Jo Calvez, responsable de l’antenne brestoise des Restos du Coeur, confirme. «En mai 2012, les migrants représentaient 35% des familles aidées par les Restos du Coeur à Brest et 41% des bénéficiaires aidés, le double de l’année précédente», témoigne-t-il.

Des «délestages» depuis Rennes 



Le phénomène s’est accéléré à Brest lorsqu’un premier groupe est arrivé de pays de l’ex-Yougoslavie, d’Albanie et de Tchétchénie en juin2011. Bon an mal an, des solutions provisoires ont été trouvées pour ce premier groupe, ce qui a entraîné un appel d’air et de nouveaux flux toute l’année. À la préfecture de Quimper, on estime qu’il y a en ce moment entre 420 et 450 demandeurs d’asile pris en charge dans le département, à divers stades. «En 2011, pour faire face à la vague de demandeurs d’asile à Rennes, le préfet de région a décidé que les domiciliations, premiers pas pour demander l’asile, seraient réparties, avec des quotas entre le Finistère, le Morbihan et les Côtes-d’Armor», explique Gwen Le Bars, directeur de Coallia 29. Une fois arrivés à la plateforme d’accueil de Rennes, saturée au point de générer des squats aux abords de la ville, on oriente les migrants vers Brest, dans une moindre mesure vers Saint-Brieuc, Vannes ou Lorient, le plus souvent… avec un billet de train en aller simple.



Les caisses de l’État sonnent vide

Terminus Brest, donc, une ville où il n’y a tout simplement plus de logements ni d’argent. «L’État finance déjà 45 logements en hébergement d’urgence autour de Brest, plus une quinzaine de chambres d’hôtel mobilisées ponctuellement, précise Gwen Le Bars. Plus de 200 personnes sont hébergées dans le cadre de ce dispositif.» Seulement, du côté des services de l’État, c’est au niveau du tiroir-caisse que le bât blesse. «Il n’y a pas de solution globale et nos moyens sont contraints et limités, concède Martin Jaeger, secrétaire général du préfet du Finistère. Les gens nous disent « Vous n’avez qu’à les mettre à l’hôtel! », mais notre budget a été calculé sur une base de 80 personnes.» D’après nos informations, la préfecture a dépensé plus de 500.000 euros depuis le début de l’année pour l’hébergement d’urgence, et selon des sources concordantes, la dotation 2012 de l’État a été intégralement croquée dès le mois de mai. Pendant ce temps, de nouvelles familles arrivent dans le département. Or, les autorités font face à des «situations très hétérogènes» dans les dossiers. Plusieurs cas restent tout à fait recevables, mais beaucoup d’arrivants sont considérés comme «Dublin 2»: s’ils ont déjà déposé une demande d’asile dans un pays de l’espace Schengen, comme la Pologne, leur demande en Bretagne sera à coup sûr rejetée. Une situation qui ne semble pas stopper l’afflux d’Albanais, qui constituent plus du tiers des sans-papiers dans le Finistère. À la préfecture comme à la mairie de Brest, on s’inquiète des circuits directs en provenance de la ville de Shkodër, au nord de l’Albanie, d’où proviennent l’énorme majorité des 98 ressortissants comptabilisés à Brest depuis un an. «Quand on vient d’Albanie, je ne suis pas sûr qu’on connaisse le camping de Milizac…», ironise un brin désabusé un élu brestois.



L’épineux cas albanais 



Il y a deux semaines, pendant que les sans-papiers attendaient à la mairie une probable expulsion, de grosses berlines s’arrêtaient le soir, d’où descendaient des individus de nationalité albanaise. «Les passeurs, on les voit, commenta alors un militant associatif. On en a identifié au moins deux, bien habillés. Ils passent tous les soirs voir et on a vu des échanges d’enveloppes. La famille derrière moi a donné hier 3.500 euros aux passeurs.» Des craintes que confirme une source interne à la police brestoise. «Il semble que l’on soit en présence de l’organisation d’une filière, des gens qui exploitent la misère des autres. Les passeurs demandent de 2.000 à 4.000 euros selon le nombre de personnes», indique cet officier, qui rappelle que le trafic d’êtres humains est une activité criminelle. Les migrants étant de fait exclus du marché de l’emploi, «une forme de mendicité s’est installée et on a noté des vols à l’étalage», signale-t-on à la police, prudente sur ce dossier. Du côté des bénévoles des organisations caritatives brestoises, on fait face et on essaie de limiter les tensions pouvant naître. «Nous serions favorables à une mise à plat de l’accueil et de l’aide dans le Finistère, car le problème va croissant et on commence à entendre des phrases du genre « on leur donne à eux et pas à ceux d’ici », relève Yves Tirilly, responsable de la Banque alimentaire du Finistère. Le risque, c’est que le système ne suive plus et qu’on ne puisse plus aider ni les Finistériens, ni les étrangers.»

L’immigration en Bretagne en chiffres…

En 2010, l’Ille-et-Vilaine avait reçu 971 demandes d’asile, la Loire-Atlantique 843, les Côtes-d’Armor 181, le Morbihan 174 et le Finistère 157, soit un total de 1.483 pour la région administrative Bretonne.

Le Télégramme

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