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Et si consommer bio ne changeait rien ?

Le 3 septembre dernier, la revue américaine Annals of Internal Medecine a rendu publics les travaux d’une équipe de chercheurs de l’Université de Standford (Etats-Unis) concernant les effets d’une alimentation bio sur la santé. Leurs résultats – bien entendu immédiatement contestés par le lobby pro-bio – suggèrent que les aliments bio (fruits, légumes, porc, poulet et lait) ne sont pas meilleurs pour la santé que ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Ces conclusions ont été obtenues en se basant sur plus de 200 études, menées sur 40 ans.

Rien de très surprenant dans ces conclusions, puisque les chercheurs américains ne font que confirmer les très nombreux travaux antérieurs sur ce sujet, notamment ceux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), publiés en 2003 ; ceux du Pr Alain Dangour, chercheur à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, publiés en 2009 dans l’American Journal of Clinical Nutrition, ou encore ceux, publiés en 2010 dans Les Cahiers de nutrition et de diététique, de Léon Guéguen et Gérard Pascal, deux chercheurs honoraires de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), spécialisés en nutrition humaine et sécurité alimentaire. Tous s’accordent à dire qu’il n’y a aucune différence significative entre aliments bio et conventionnels dans la mesure où le parcours agronomique est semblable.

En revanche, ce qui est plus intéressant, c’est d’étudier les raisons et les origines d’une telle croyance, largement entretenue par les responsables de la filière bio, essentiellement afin de justifier un surcoût financier – de l’ordre de 60 % en moyenne – que le consommateur n’est pas toujours prêt à dépenser.

Le mythe du « bon bio » prend ses racines dans les années 1920 et 1930, d’une part avec le développement des théories ésotériques de l’anthroposophe Rudolf Steiner sur l’agriculture biodynamique (et son concept de « forces cosmiques ») ; d’autre part avec le courant hygiéniste, représenté notamment par des naturopathes convaincus de l’existence de « force vitales » (comme le Dr Paul Carton). Inutile de chercher des preuves scientifiques à l’existence de ces forces, voire de les quantifier : leurs adeptes vous expliquent qu’elles ne sont ni mesurables, ni détectables à l’analyse, sauf par d’obscurs tests dits de « cristallisation sensible » ! Ainsi, pour Steiner et Carton, seul un retour à une alimentation « naturelle » permet de mettre fin à « la dégénérescence de notre civilisation occidentale ».

Ce discours a été popularisé dans les années 1940 et 1950 par Henri-Charles Geffroy, le fondateur de La Vie Claire, qui affirmait qu’une alimentation « à l’état le plus près possible de l’état naturel » ferait « immédiatement disparaître comme par enchantement toutes les infirmités ». A la même époque, le Dr Lenglet, président du Conseil supérieur d’hygiène publique de France entre 1940 et 1946, affirmait que « s’il y a une race française, on le doit au blé. Si le pain ne contient plus tous les éléments essentiels du blé, on diminue la vitalité de la race française. C’est la conséquence des procédés de la minoterie actuelle ».

Certes, aujourd’hui, plus aucun défenseur de l’agriculture biologique n’oserait mentionner en public sa croyance dans ces prétendues forces vitales. En revanche, les partisans du tout-bio ont développé une thématique anxiogène axée sur la présence sournoise d’éléments chimiques indésirables et dangereux dans la nourriture « moderne ». Notre assiette serait ainsi « contaminée » par diverses substances maléfiques. En France, il existe une véritable industrie médiatique qui relaie ces thèses alarmistes, au grand bonheur des vendeurs de produits bio. Une curieuse alliance s’est donc constituée entre les nouveaux Chevaliers de l’Apocalypse, qui martèlent urbi et orbi que notre alimentation est dangereuse pour la santé, et les promoteurs de l’agriculture bio, seuls fournisseurs d’aliments « garantis bonne santé ».

Des films militants comme Tous Cobayes ?, du cinéaste Jean-Paul Jaud, à l’affiche fin septembre, ou Notre poison quotidien, de Marie-Monique Robin, sorti l’année dernière, participent à cette machine infernale. Et ça marche ! Ou plutôt, ça a marché. Car à force d’en rajouter, le mythe a pris du plomb dans l’aile. Le consommateur n’étant pas dupe, il a fini par se poser la seule vraie question : « Mais au fait, à quoi ça sert de consommer bio ? »

Atlantico

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